Le titre de Tigre de Fass, il ne l’a jamais porté et ne le portera jamais. Mais feu Mame Gorgui Ndiaye n’en est pas moins une personnalité marquante de cette écurie mythique, de la lutte tout court. Après son rappel à Dieu vendredi 9 Février 2024, Les Arènes lui rend hommage en publiant un entretien que nous avons eu avec lui il y a quelques années.
« Je suis né le 8 novembre 1939 »
« Je suis né à Dakar dans le penc Gouy Salane, rue Ely Manel Fall, n°7. C’est sur l’avenue Lamine Guèye, rue Tolbiac. Je suis né le 8 novembre 1939. Mon père Thierno Ndiaye était un bon lutteur. Il frappait à la fois des deux mains. »
« Nous avons fourbi nos armes dans les mbappat »
« Depuis l’âge jeune, nous n’avons jamais cessé de lutter. Au début, nous avons fourbi nos armes dans les mbappat. J’étais souvent avec un ami Djiby Ndiaye qui habitait à la Gueule Tapée. Nous sommes allés combattre à Diaksao avant que ce quartier ne soit déplacé. Et je l’ai battu. Pourtant, il m’avait précédé dans l’arène avec frappe. Il me dit alors que si c’était dans l’arène avec frappe, il allait me bastonner avant de me battre. On me convainquit alors de le prendre et de le battre à nouveau. C’était en 1956 à l’arène Médoune Khoulé de Fass, à l’occasion de mon premier combat en lutte avec frappe. »
« Je suis le premier grand lutteur que Robert Diouf a croisé dans l’arène »
« J’ai disputé 149 combats avec 101 victoires, 22 défaites et 26 nuls. Je suis le premier grand lutteur que Robert Diouf a croisé dans l’arène. C’était au stade Iba Mar Diop, en 1963. Il m’a battu de façon très rapide d’ailleurs. »
« En 1965, Robert Diouf dit qu’un Lébou ne pouvait pas le battre »
« Plus tard, en 1965, il dit qu’un Lébou ne pouvait pas le battre. C’était devant mon oncle El Assane Ndiaye de Tilène, qu’il ne reconnaissait pas. Ensuite, mon oncle est venu directement chez moi pour me rapporter ces propos de Robert. Feu El Hadj Bassirou Diagne Marème Diop organisa la revanche comme il l’avait fait pour le premier combat. »
« Un combat dur où je l’ai bien bastonné avant de le battre »
« La signature a eu lieu un mardi et le combat le dimanche suivant. Ce fut un combat dur où je l’ai bien bastonné avant de le battre d’une belle chute. Pour ce combat, tous les Lébous étaient derrière moi, parce que mécontents des paroles de Robert. »
« L’autre combat qui m’a marqué… »
« L’autre combat qui m’a marqué, c’est celui contre Boy Bambara. Il avait été chez nous jusqu’à l’heure où il devait faire ses premiers pas dans l’arène. À un moment donné, il s’est séparé de nous. Plus tard, c’est Mbaye Guèye qui détenait le drapeau de l’arène sénégalaise. »
« Ce que j’ai exigé de Boy Bambara pour qu’il affronte Mbaye Guèye »
« Boy Bambara s’entraînait en ce moment-là avec l’ancien judoka Habib Bèye, qui avait sa salle. Un jour, Bassirou Diagne est venu avec sa carte d’identité pour dire que Boy Bambara a demandé un combat contre Mbaye Guèye. Je lui ai alors rétorqué qu’il fallait, s’il veut vraiment de ce combat, que Boy Bambara défiât officiellement et publiquement Mbaye Guèye. »
« Mes deux confrontations avec Boy Bambara »
« Quand le combat fut ficelé, Dieu a fait qu’il eut battu Mbaye Guèye. Ensuite, on a parlé de mon combat contre lui. Mais je répondis que j’étais son grand frère et que je n’allais pas lutter contre lui. Malgré tout, le combat finit par être organisé et il me battit une première fois. Mais, lors du combat-revanche, je l’ai impitoyablement roué de coups. »
« Nous étions meilleurs, plus courageux et plus intelligents que les lutteurs d’aujourd’hui »
« Il y a une très grande différence entre la lutte d’hier et celle d’aujourd’hui. Les jeunes d’aujourd’hui savent certes lutter mais ne satisfont pas aux exigences de la lutte. De nos temps, tout grand champion était l’adversaire de tous, en même temps. Nous étions meilleurs, plus courageux et plus intelligents que les lutteurs d’aujourd’hui. »
« La différence entre un courageux et un fou »
« On ne fait souvent pas de différence entre un courageux et un fou. Un courageux ne recule devant rien alors qu’un fou ne sort jamais indemne d’une situation donnée. Il s’en sort toujours blessé ou perdant. »
« Le titre de Tigre ne s’arrête qu’à Fass »
« On m’appelait plutôt l’enfant chéri de Dakar. Le titre de Tigre ne s’arrête qu’à Fass. L’enfant chéri de Dakar est plus globalisant. Mon titre était beaucoup plus important que celui de Tigre. Fass n’est pas Dakar. Ce n’est pas la même chose. C’est Alassane Ndiaye dit Allou qui m’avait donné ce surnom. C’était après mes victoires sur Mamadou Ngor Sarr, Doudou Yaya Sarr, Afsa Sarr et Massiré Sarr qui était un lutteur très vif et teigneux. Je les avais tous battus avec des techniques différentes. Ils en ont alors conclu que je savais presque tout faire. D’où ce surnom. »
Abdou NDOUR